L’eau est impliquée à tous les niveaux du système climatique. En changeant d’état, elle navigue entre l’atmosphère et les réservoirs terrestres : glaciers, océans, ou nappes souterraines. Elle joue un rôle clé dans la thermorégulation de notre planète. Maintenir l’équilibre de son cycle global apparaît comme étant prioritaire pour lutter contre le changement climatique actuel.
C’est pourquoi Hélène Brogniez du laboratoire atmosphères, observations spatiales (LAMTOS/IPSL) et Jan Polcher du laboratoire de météorologie dynamique (LMD/IPSL), sont convaincus que « le problème du climat planétaire doit dépasser le cadre du prisme des disciplines et être appréhendé avec une perspective globale. »
Une responsabilité sociétale
L’eau est un sujet qui inonde toutes les disciplines de recherche. La thématique qui lui est dédiée à l’IPSL regroupe des météorologues, des hydrologues, des glaciologues, des océanographes, des physiciens de l’atmosphère… Dépasser le cadre du champ d’étude de chacun est un vrai enjeu dans l’organisation de la recherche.
Pour Hélène Brogniez du laboratoire atmosphères, observations spatiales (LAMTOS-IPSL) et Jan Polcher du laboratoire de météorologie dynamique (LMD-IPSL), la recherche doit réussir à créer des ponts entre les spécialités. Tous deux animateurs de la thématique Cycle de l’eau, ils sont convaincus de l’importance de créer un terrain propice à l’échange entre toutes les disciplines pour faire avancer la connaissance. Si les méthodes de travail diffèrent entre les disciplines, pour Jan Polcher, « c’est surtout un frein culturel qu’il faut réussir à lever ».
Les deux chercheurs estiment que l’interdisciplinarité est essentielle pour éclairer les décideurs comme les citoyens, et apporter des réponses qui prennent en compte tous les spectres de la science. Il en va, selon Hélène Brogniez, de la « responsabilité sociétale de la recherche ».
Par ailleurs, ils rappellent la vision biaisée du monde que peut engendrer le cloisonnement par discipline dans l’étude des phénomènes climatiques. Lorsque El Niño se déclenche dans l’océan Pacifique sud, il affecte pourtant bien la planète dans son ensemble.
Pour Jan Polcher, il faut envisager un événement à travers le prisme de toutes les disciplines liées pour en prévoir les conséquences. « La construction d’une ville par exemple, modifie la quantité et la qualité de l’eau qui va vers les océans, a un impact sur la présence des algues sur le littoral… Les hydrologues et les biologistes marins ont donc besoin les uns des autres. »
Coupler les compartiments de la Terre au lieu de les envisager chacun comme des boîtes noires indépendantes les unes des autres, est aussi essentiel selon Hélène Brogniez. « L’eau a un rôle dans la chimie de la pollution, elle lessive l’atmosphère, elle favorise certaines réactions chimiques… D’où l’intérêt de représenter les échanges entre la surface et l’atmosphère », ajoute la chercheuse du LATMOS.
« C’est clairement la force de l’IPSL que de pouvoir mettre dans la même pièce les personnes qui observent la dynamique du climat, d’autres la dynamique des masses d’air, d’autres qui en font les mesures ou qui les modélisent… Bref, tous les paramètres qui influencent l’amplitude des modifications climatiques ».
Organisation d’un laboratoire éphémère
Pour faciliter les interactions entre les disciplines, Hélène Brogniez et Jan Polcher sont à l’origine d’un projet de laboratoire éphémère. « La recherche ne se gère pas comme une entreprise, elle marche en bottom up. Des idées fusent, d’autres s’y intéressent et s’y greffent, puis la développe », explique Jan Polcher.
Pendant deux à trois mois à partir de mars, toutes les équipes de recherche de la thématique Cycle de l’eau pourront travailler ensemble dans ce lieu unique en son genre. « Nous souhaitons favoriser l’échange d’idées scientifiques et les rencontres interdisciplinaires. Nous pensons que créer du lien est moteur de toute collaboration. »
« L’Idée nous est venue de l’institut Blaise Pascal, un laboratoire de recherche interdisciplinaire sous tutelle de l’université Clermont Auvergne et du CNRS. Chaque année, ils choisissent une thématique et invitent pendant un an des grands noms au niveau international pour mettre leur savoir en commun ».
Dans les faits, quelle forme cela va prendre ?
« Il nous faut d’abord mettre en commun nos idées et structurer les champs de travail du laboratoire. Nous réunirons dans un premier temps les équipes pour « brainstormer » sur les questions auxquelles répondre. » Les deux chercheurs envisagent de s’appuyer sur l’école universitaire de recherche de l’IPSL à l’école polytechnique. « Nous avons à cœur d’intégrer les étudiants à ce processus. C’est important qu’ils entrent dans le monde de la recherche avec un esprit transdisciplinaire. »
Le laboratoire rassemblera environ une dizaine de chercheurs et des étudiants en stage et en thèse, soit entre 20 et 30 personnes. « On ne marchera pas sur les platebandes les uns des autres », rassure Hélène Brogniez. « Il faut juste reconnaître que l’on ne peut pas être expert en tout, et oser sortir de sa zone de confort. »