Inondations, canicules, vagues de froid… Le changement climatique en cours accélère-t-il les phénomènes climatiques extrêmes ? C’est l’une des questions à laquelle tente de répondre Davide Faranda, chercheur au laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE-IPSL). Au sein de l’équipe ESTIM’R, il travaille sur la prévision des événements extrêmes et leur lien avec les éléments physiques.
Le GIEC, groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, prévoit un accroissement de la température globale du globe de 1 à 6°C au cours du XXIe siècle. Doit-on s’attendre au cours des prochaines années à plus de sécheresses, de précipitations, de tempêtes ou des cyclones tropicaux ?
« Cela va dépendre du phénomène » répond Davide Faranda. Les phénomènes météorologiques extrêmes étant par définition inhabituels, ils sont très difficiles à prendre en compte dans des modèles climatiques utilisés pour donner des tendances sur le climat futur et prévoir les changements en fréquence et intensité des évènements extrêmes météorologiques.
« Avec un réchauffement de l’atmosphère, il est clair qu’il faut s’attendre à des vagues de chaleur beaucoup plus fréquentes et intenses » explique le chercheur. « Ces phénomènes, d’origine thermodynamique, pourraient être amplifiés par la circulation atmosphérique, qui cause le déplacement des masses d’air chaud de l’Afrique à l’Europe. Grâce à ce mécanisme nous avons déjà atteint plus de 40°C à Paris » prévient-il.
C’est notamment ce qu’il essaie d’illustrer au grand public à travers le serious game en ligne climarisQ qu’il a créé en coopération avec d’autres chercheurs et médiateurs scientifiques. « Si les tendances climatiques pour les vagues de chaleur et les sécheresses sont bien définies, celles calculées pour d’autres types d’événements météorologiques, restent difficiles à évaluer, notamment à cause de la difficulté de prévoir les fortes pluies et les vents associés aux orages, les tempêtes et les cyclones tropicaux. »
Un nombre record d’ouragans en 2020
La saison des ouragans 2020 a été particulièrement violente : 30 tempêtes dont 13 mutées en ouragans. Elle a démarré dès le 16 mai avec la tempête Arthur qui a balayé les Bermudes. Exceptionnellement, les chercheurs ont épuisé toutes les lettres de l’alphabet latin pour nommer chacun des ouragans et ont dû avoir recours à l’alphabet grec. La dernière tempête à la fin de l’automne, Lota, a été particulièrement puissante avec des vents d’intensité maximale de 160 km/h. C’est la cinquième saison cyclonique consécutive supérieure à la normale.
Les vents violents à l’origine des ouragans puisent leur énergie dans la variation positive de la température de surface des océans. A priori on peut penser que le réchauffement climatique a réuni toutes les conditions nécessaires pour provoquer des ouragans plus intenses. Pour autant, c’est selon Davide Faranda, un véritable défi scientifique que de réussir à prédire ces phénomènes.
D’abord, les climatologues manquent de données historiques pour les ouragans. « Nous ne disposons de données satellitaires sur les ouragans que depuis les années 1980, donc nous ne pouvons pas dire à 100% que la saison que nous avons observée est une exception dans l’Histoire du climat », explique-t-il.
« D’autre part, nos modèles climatiques actuels n’ont pour l’instant pas une résolution suffisante pour représenter les fortes pluies et les vents associés à ces phénomènes. Les modèles sont basés sur des mailles : la réalité y est représentée par des points dans l’espace et le temps. Or ces points sont trop distants les uns des autres pour représenter l’œil de l’ouragan » argumente-t-il. « Résultat, nos calculs donnent en général lieu à des sous-estimations des vents et précipitations. »
D’autres voies de recherche sont en cours d’exploration pour permettre aux chercheurs d’améliorer leur compréhension des cyclones tropicaux et de détecter les ouragans antérieurs à l’ère satellitaire. Aidé par Lucia Gualtieri, une collègue sismologue de l’université de Stanford, Davide Faranda essayera de détecter les ouragans grâce aux données des sismogrammes, qui enregistrent les ondes de l’eau à la surface des océans lors des tempêtes.
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