ACROSS : un projet pour étudier la chimie atmosphérique dans les milieux forestiers en périphérie de Paris
Le projet ACROSS (Atmospheric Chemistry of the Suburban Forest) fait partie de l’initiative Make Our Planet Great Again et vise à mieux comprendre les processus physico-chimiques de l’atmosphère. Le cœur du projet est une campagne de mesure à l’été 2022 pour étudier les interactions entre les composés chimiques relâchés par les activités urbaines de Paris et les forêts environnantes. Christopher Cantrell, chercheur au laboratoire LISA-IPSL, présente les objectifs et l’avancement du projet.
Comment résumeriez-vous le projet ACROSS ?
Christopher Cantrell : L’objectif principal repose sur une campagne de mesure de la composition atmosphérique à l’été 2022, et notre mission actuelle est d’organiser au mieux cette campagne en finalisant les financements et les partenaires. La ville de Paris produit des émissions dues aux industries, au trafic ou encore à la production d’énergie qui subissent un certain nombre de transformations physiques et chimiques.
Ce sont ces réactions que nous voulons étudier, lorsque ces polluants rejoignent les forêts environnantes et interagissent avec les molécules produites par l’activité des végétaux. Nous avons une assez bonne compréhension des masses d’air en milieu urbain et forestier séparément, mais nous manquons de données sur le terrain pour étudier les réactions chimiques de ces mélanges. Nous espérons que nos observations pourront améliorer les modèles et notre compréhension.
Que cherchez-vous dans l’atmosphère ?
CC : Il existe des modèles variés en fonction des différents processus chimiques de l’atmosphère, et notre premier enjeu est de mieux comprendre comment se forment les différents composés chimiques. Lorsque nous consommons des ressources fossiles nous relâchons des composés carbonés qui s’oxydent dans l’atmosphère et peuvent être converti en phase particulaire.
Il reste encore beaucoup de questions en suspens concernant l’oxydation des composés organiques, la formation des aérosols organiques secondaires et le bilan des radicaux HOx. Nous voulons voir ce qui se passe dans un environnement hybride entre milieu urbain et forestier car les molécules produites par l’activité des forêts pourraient entraîner des réactions modifiant les propriétés des phases gazeuses et des aérosols.
La dernière étude d’amplitude et de complexité similaire remonte à une dizaine d’année et les récentes avancées sur les outils de mesure nous offrent une observation plus précise des mécanismes expliquant notamment la dégradation des composés organiques. Nous aimerions éventuellement arriver à un modèle atmosphérique qui pourrait prédire avec précision l’heure et l’endroit des pics de pollution. Cela nécessite une combinaison de connaissances détaillés des phénomènes météorologiques et des processus chimiques de l’atmosphère.
Quels outils de mesure seront utilisés ?
CC : Nous allons combiner des mesures au sol et des mesures aériennes pour obtenir des données horizontales autant que verticales. Nous avons une tour de 40 mètres de hauteur installée au cœur de la forêt de Rambouillet et nous collaborons aussi avec un autre site de mesure à Orléans et le réseau de contrôle de qualité d’air de la région parisienne.
Nous avons aussi accès à un avion français, l’ATR-42 qui sera capable de suivre les masses d’air que nous souhaitons étudier lorsqu’elles sont transportées par le vent. Nous utiliserons ces outils de pointe associés aux modèles numériques pour mettre à l’épreuve notre compréhension actuelle des processus physico-chimiques de l’atmosphère.
L’été 2022 est-il une période particulière ?
CC : L’été les jours sont plus longs et nous avons généralement des températures plus hautes entraînant des processus photochimiques et affectant la rapidité des réactions chimiques. L’intérêt est donc de concentrer nos observations sur la période de l’année où il y a le plus d’activité.
À l’instar des dernières années nous pouvons aussi nous attendre à avoir des vagues de chaleur et des pics de production d’ozone qui pourraient augmenter les effets de ces mélanges de masses d’air sur les processus chimiques atmosphériques.
Bien que l’activité soit conséquente en journée, nous nous intéresserons aussi à des interactions chimiques nocturnes. Il s’agit de particules différentes mais de processus similaires pouvant oxyder des composés organiques et les amener à une phase particulaire.
Quelles sont les prochaines étapes ?
CC : Nous sommes actuellement dans l’organisation de cette campagne de mesure. Nous cherchons alors à garantir des financements et à rassembler des partenaires pour les mesures. Nous sommes par exemple en phase de discussion avec l’ONF (Office National des Forêts) pour avoir accès à une tour qui servait à la surveillance des feux de forêts mais qui n’est plus utilisée dans ce but aujourd’hui.
Puis nous avons un certain nombre de questions logistiques, pour monter les équipements sur la tour par exemple ou bien installer un accès internet pour contrôler le statut de nos équipements à distance. Nous cherchons aussi de nouveaux partenaires car plus de mesures pourraient tirer profit de ce projet. Nous nous attendons toujours à réaliser cette étude à l’été 2022 et espérons que la situation sanitaire ne l’empêchera pas.
Pour en savoir plus
L’initiative Make Our Planet Great Again est une initiative lancée par Emmanuel Macron en 2017 suite aux déclarations du président américain de se retirer de l’Accord de Paris. Cet appel à projet vise à encourager les chercheurs internationaux à joindre leurs forces à la recherche française dans la lutte contre le changement climatique.
Le projet ACROSS.